One forest summit au Gabon : Derrière les discours de satisfaction se cache une forêt de misère
Le sommet sur les forêts du bassin du Congo s’est tenu du 1er au 02 mars 2023 à Libreville. Alors que les pouvoirs publics s’adonnent à cœur joie à des discours congratulatoires et d’autosatisfaction, les populations de l’arrière-pays vivent dans les conditions d’un autre temps.
Poser une question sur la sauvegarde de la forêt gabonaise en particulier à un habitant de l’arrière-pays, ce serait comme décrire le menu d’un restaurant parisien à un affamé qui n’a vu le moindre morceau de pain depuis des jours. Ainsi en est-il de la population gabonaise dont les oreilles bourdonnent des discours sur le bien-fondé de la sauvegarde de l’environnement, alors que le moindre équilibre alimentaire lui est inaccessible. La population rurale gabonaise, comme les indigènes de l’Amazonie, est aujourd’hui soumise à la méchanceté des grands destructeurs de leurs forêts. Mais en retour, cette même population est interdite de vivre des fruits de son propre milieu.
S’il est reconnu par tout le monde que la forêt, notamment dans sa biodiversité, contribue à la sauvegarde de l’environnement, le commun des Gabonais pourrait bien se demander ce que gagne la population dans ce commerce interplanétaire. Le ministre gabonais des Eaux et Forêts, Lee White, a lancé fièrement sur la tribune du One forest summit : « Nous devons exploiter durablement, gérer et préserver nos forêts, car elles représentent 20 à 30% de la solution face aux changements climatiques ». C’est une évidence. Mais quel est le lot assigné aux Gabonais qui assistent impuissants à l’exploitation de leurs forêts et à la destruction de leur cadre de vie sans aucune contrepartie ? Qui pourrait dire aux Gabonais de l’hinterland que les pouvoirs publics reçoivent des subventions conséquentes pour la préservation de leur forêt, leur milieu naturel ?
Des victimes parmi la population
Depuis plus d’une dizaine d’années, les exploitants chinois, indiens et malaisiens sont à l’assaut des forêts gabonaises. Les routes sont totalement dégradées par leurs gros grumiers qui écument quotidiennement les voies, faisant parfois des victimes parmi la population. Aucune compensation n’est offerte à ces habitants, ne fût-ce que pour leur faire apprécier, une fois en passant, les fruits de leur environnement naturel.
Certes le One forest summit est une occasion en or pour les gouvernants de vanter la flore et la faune gabonaises, mais ils n’oseraient en aucun cas révéler la misère de ceux qui vivent sur ces terres. Et l’on apprend de la bouche du ministre français de la transition écologique, Christophe Béchu que les forêts du bassin du Congo couvrent une superficie moins importante par rapport à celle de l’Amazonie, mais que les forêts du bassin du Congo, mieux préservées captent plus Co2. Comment expliquer cela à nos pays ? Mais comme une réplique, Chrysoula Zacharopoulou, la Secrétaire d’Etat chargée du développement de la Francophonie et des partenariats internationaux, qui a prononcé l’un des deux discours de la cérémonie d’ouverture a indiqué que les forêts du bassin du Congo ne captent que 11% des financements internationaux. Et de s’indigner : « Ces financements sont insuffisants ». Mais sur le peu que reçoit l’Etat gabonais, quelle est la part réservée aux habitants de l’intérieur du Gabon ? Où va donc le financement des forêts ? Une question que les participants à ce sommet n’ont jamais osé soulever.
Le désastre causé par d'énormes engins utilisés dans les forêts par les exploitants
Une Gabonaise, qui a exposé des produits naturels extraits des richesses forestières, a courageusement alerté les participants au One Forest Summit sur le désastre causé par d'énormes engins utilisés dans les forêts par les exploitants qui n’ont aucun respect des textes réglementant l’exploitation forestière au Gabon. C’est donc, à son avis, une menace de la disparition des forêts primaires, alors que les experts reconnaissent que les forêts tropicales représentent 20% de la solution au changement climatique.
Au Gabon, si la forêt couvre plus de 80% de la superficie totale du pays, les retombées de sa préservation sont moins visibles dans la vie des habitants. Autrement dit, les Gabonais sont soumis à une certaine rigueur pour préserver leurs forêts, mais au même moment les exploitants étrangers, qui ravagent les essences forestières, ne sont soumis à aucune sanction. La preuve est que les petits exploitants forestiers gabonais sont les seuls à qui les autorités demandent des comptes. Il avait été dit à une certaine époque que les grumiers ne devraient plus circuler de jour et le week-end sur les routes gabonaises. Cette réglementation n’a duré que le temps d’un souffle. Si les autorités se vantent d’avoir mis en place des règles pour l’exploitation du bois, ces discours ne sont réellement qu’un écran de fumée, propre à cacher les vrais ravages qui se font continuellement sur les forêts.
Le Gabon est devenu un grand producteur d’huile
Un paradoxe : la forêt gabonaise est aujourd’hui sur la voie d’une destruction massive du fait de la culture du palmier à huile. Il est donc connu que le Gabon est devenu un grand producteur d’huile de palme par cette opération, alors même que ce produit est devenu une denrée très rare et très onéreuse pour les ménages gabonais. Que gagne donc le pays à laisser ravager ses forêts pour des produits qui ne profitent guère à sa population ? Le prix du litre d’huile a doublé depuis que les Singapouriens ont pris le contrôle de cette production. Ils préfèrent exporter leurs productions, obligeant ainsi les Gabonais à subir une inflation dont ils ne connaissent point l’origine.
Voilà certaines vérités qui n’ont jamais été soulevées au One forest summit. Les discours mielleux et savants des autorités ont empêché les experts internationaux de voir les réalités que vivent les Gabonais. Lesquels n’ont finalement aucun intérêt dans ce marché planétaire, aux allures d’extermination programmée d’une population qui est obligée d’en payer le prix. Vivement qu’à la clôture de ce sommet, le gouvernement instruise la population sur les effets positifs de celui-ci. Ne fusse que pour donner de l’espoir à ceux qui souffrent le martyre pour une cause dont leur disparition progressive mais réelle en serait le prix.
Brandy Mamboundou